l'abus de droit
Celui qui exerce un droit peut-il être déclaré responsable des dommages que cet exercice cause à autrui ? Le « fait quelconque de l'homme », visé par l'article 1382 du code civil, peut-il consister dans l'exercice d'un droit ?
À ces questions, la doctrine classique répondait par la négative par l’adage : Neminem laedit qui suo jure utitur (« Ne lèse personne celui qui use de son droit »).
Pourtant, même en droit romain, l'adage n'a jamais eu de valeur absolue, et la tradition a légué d'autres formules latines qui semblent bien contrarier la célèbre maxime Male enim nostro jure uti non debemus (« Aux hommes de mauvaise foi, point d'indulgence ») et Malitiis non est indulgendum (« Celui qui abuse de son droit doit répondre des dommages qu'il cause à autrui »).
L'histoire de l'abus de droit s’inscrit dans une suite de débats, de revirements de doctrine et elle a la particularité d’être complexe. En effet, il faut sans doute distinguer la théorie, son expression, et sa sanction.
Les Romains ne nous ont légué de leur époque, aucune théorie savante de l'abus de droit, cependant pour eux, l’usage d’un droit excluait toute possibilité d’abus.
La théorie de l’abus n'apparaîtra en France qu'à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, notamment avec la première édition du célèbre ouvrage de JOSSERAND, De l'abus des droits, datant de 1905. C'est également à cette époque que des décisions françaises commencent à employer peu à peu l'expression d'abus de droit, qui devient peu a peu comme une théorie au travers de laquelle une personne qui utilise un droit pour nuire à autrui en dehors de sa finalité sociale engage sa responsabilité civile. Mais cela ne signifie pas que la sanction de l'abus de droit soit un phénomène récent. L'exercice abusif des droits a toujours été sanctionné. L’Ancien droit français lui- même étendit à la procédure, avec notamment la sanction des recours abusifs et le XIXe siècle, en dépit de