L Art Th Ophile Gautier
D’une forme au travail Rebelle,
Vers, marbre, onyx, émail. Point de contraintes fausses !
Mais que pour marcher droit Tu chausses,
Muse, un cothurne étroit. Fi du rythme commode,
Comme un soulier trop grand, Du mode
Que tout pied quitte et prend ! Statuaire, repousse
L’argile que pétrit Le pouce,
Quand flotte ailleurs l’esprit ; Lutte avec le carrare,
Avec le paros dur Et rare,
Gardiens du contour pur ; Emprunte à Syracuse
Son bronze où fermement S’accuse
Le trait fier et charmant ; D’une main délicate
Poursuis dans un filon D’agate
Le profil d’Apollon. Peintre, fuis l’aquarelle,
Et fixe la couleur Trop frêle
Au four de l’émailleur. Fais les sirènes bleues,
Tordant de cent façons Leurs queues,
Les monstres des blasons ; Dans son nimbe trilobe
La Vierge et son Jésus, Le globe
Avec la croix dessus. Tout passe. — L’art robuste
Seul a l’éternité. Le buste
Survit à la cité. Et la médaille austère
Que trouve un laboureur Sous terre
Révèle un empereur. Les dieux eux-mêmes meurent
Mais les vers souverains Demeurent
Plus forts que les airains. Sculpte, lime, cisèle ;
Que ton rêve flottant Se scelle
Dans le bloc résistant !
Introduction :
L'art est un poème écrit par TG. Théophile Gautier est l'un des chefs de file du Parnasse, un courant littéraire du 19e siècle contre le Romantisme, et qui prônait les théories de « l'Art pour l'Art ». ce mouvement faisait de l'esthétisme la seule finalité de la poésie. Ce poème fait partie du recueil Emaux et Camées(1852-1872) et il représente le manifeste théorique du mouvement du Parnasse(« l’art pour l’art »la forme est plus importante que le contenu).