L AVERTISSMENT DE L EDITEUR
INTRO
Rien ne semblait destiner Pierre Ambroise Choderlos de Laclos (1741-1803), à qui on attribue la mise au point des premiers boulets explosifs, à la littérature; ni son unique roman , Les Liaisons Dangereuses, à un succès tout aussi explosif. Au XVIIIème siècle, alors que la fiction romanesque peine encore à s'affirmer comme genre sérieux, le récit épistolaire qui propose un semblant de garantie d'authenticité accepté par convention, devient la forme usuelle du roman. La particularité de celui-ci, parmi les recueils de lettres plus ou moins libertines qui font flores, est de brosser un tableau cruel de l’Ancien Régime finissant; qui souligne la profonde crise des valeurs.
Ces lettres recueillies dans une société et publiées pour l'instruction de quelques autres s'ouvrent par le passage le plus étrange des avertissements au lecteur, ici attribué à l'éditeur. Laclos compose ici un pastiche brillant et facétieux.
En quoi cet avertissement paradoxal, conçu comme un pastiche littéraire, met en place toute la problématique littéraire des Liaisons ?
I)Un avertissement paradoxal 1)Le paradoxe du genre -le roman épistolaire est le genre dominant au 18ème: le lecteur sait très bien que les lettres sont fictives. Le pacte de lecture consiste à feindre de les croire vraies. Si il y a un avant-propos, c'est généralement pour attester de l'authenticité des lettres, expliquer comment elles ont été trouvées par l'éditeur et certainement pas pour prouver qu'elles n'ont rien d'authentique! Ici, l'éditeur prouve ce que le lecteur sait déjà et brise le pacte de lecture. - le roman épistolaire naît du désir d'échapper au discrédit du roman. Or ici, c'est le recours à la lettre qui discrédit le roman → comme un faux grossier! ('ce n'est qu'un roman.') 2)Le paradoxe de l'énonciation une anti captatio benevolencie: l'éditeur discrédite le texte qu'il édite!
Un étrange éditeur qui dénigre son