l'enfant

751 mots 4 pages
J’ai été puni un jour : c’est, je crois, pour avoir roulé sous la poussée d’un grand, entre les jambes d’un petit pion qui passait par là, et qui est tombé derrière par-dessus tête ! Il s’est fait une bosse affreuse, et il a cassé une fiole qui était dans sa poche de côté ; c’est une topette de cognac dont il boit – en cachette, à petits coups, en tournant les yeux. On l’a vu : il semblait faire une prière, et il se frottait délicieusement l’estomac. – Je suis cause de la topette cassée, de la bosse qui gonfle… Le pion s’est fâché.
Il m’a mis aux arrêts ; – il m’a enfermé lui-même dans une étude vide, a tourné la clef, et me voilà seul entre les murailles sales, devant une carte de géographie qui a la jaunisse, et un grand tableau noir où il y a des ronds blancs et la binette du censeur.
Je vais d’un pupitre à l’autre : ils sont vides – on doit nettoyer la place, et les élèves ont déménagé. Rien, une règle, des plumes rouillées, un bout de ficelle, un petit jeu de dames, le cadavre d’un lézard, une agate perdue.
Dans une fente, un livre : j’en vois le dos, je m’écorche les ongles à essayer de le retirer.
Enfin, avec l’aide de la règle, en cassant un pupitre, j’y arrive ; je tiens le volume et je regarde le titre :
ROBINSON CRUSOÉ
Il est nuit.
Je m’en aperçois tout d’un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre ? – quelle heure est-il ?
Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres s’effacent ; les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d’un mot, puis plus rien.
J’ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse : je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de
Robinson, pris d’une émotion immense, remué jusqu’au fond de la cervelle et jusqu’au fond du cœur ; et en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les

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