L'ennemi de Baudelaire
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?
- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
Analyse des thèmes[modifier | modifier le code]
Paul Henderickx a tenté dans son article «Qui est l'obscur Ennemi de Baudelaire» de démystifier l'identité de l'ennemi. Il propose, entre autres, que la présence de la conjonction «et», à l'avant-dernier vers, implique que ce qui suit, c'est-à-dire l'Ennemi, est quelque chose de différent du Temps présent au vers précédent. Henderickx met l'accent sur le qualificatif «obscur» placé devant le nom «Ennemi», et selon lui le temps est trop évidemment pour satisfaire cet adjectif.
Ainsi, l'ennui pourrait être une piste de solution quant à l'identité de l'ennemi, pensons à sa représentation dans d'autres poèmes, entre autres «Joueur généreux» : «cette bizarre affection de l'Ennui, qui est la source de toutes vos maladies».
Analyse textuelle[modifier | modifier le code]
Les rimes (ABAB-CDCD-EEF-GFG) fait de l'Ennemi un sonnet irrégulier, comme la plupart des sonnets des Fleurs du Mal.
Baudelaire met en évidence le temps qui passe par une progression passé-présent dans le premier quatrain : « ne fut » v.1 = passé « ont fait », v.3 = passé proche avec répercussion sur le présent, « reste » v.4 = présent
L'arrivée de l'automne, c'est-à-dire de la vieillesse (c'est une métaphore poétique employée afin d'éviter d'utiliser le