L' Homme qui court après la Fortune et l'Homme qui l'attend dans son lit Livre VII - Fable 12
Qui ne court après la fortune?
Je voudrais être en lieu d'où je pusse aisément Contempler la foule importune De ceux qui cherchent vainement
Cette fille du Sort, de royaume en royaume,
Fidèles courtisans d'un volage fantôme. Quand ils sont près du bon moment,
L'inconstante aussitôt à leurs désirs échappe.
Pauvres gens, je les plains; car on a pour les fous Plus de pitié que de courroux.
«Cet homme, disent-ils, était planteur de choux; Et le voilà devenu pape!
Ne le valons-nous pas?» Vous valez cent fois mieux: Mais que vous sert votre mérite? La fortune a-t-elle des yeux?
Et puis la papauté vaut-elle ce qu'on quitte,
Le repos, le repos, trésor si précieux
Qu'on en faisait jadis le partage des Dieux?
Rarement la fortune à ses hôtes le laisse. Ne cherchez point cette déesse,
Elle vous cherchera: son sexe en use ainsi.
Certain couple d'amis, en un bourg établi,
Possédait quelque bien. L'un soupirait sans cesse Pour la fortune; il dit à l'autre un jour: «Si nous quittions notre séjour? Vous savez que nul n'est prophète
En son pays: cherchons notre aventure ailleurs.
- Cherchez, dit l'autre ami, pour moi, je ne souhaite Ni climats, ni destins meilleurs.
Contentez-vous, suivez votre humeur inquiète:
Vous reviendrez bientôt. Je fais voeu cependant De dormir en vous attendant.» L'ambitieux, ou, si l'on veut, l'avare, S'en va par voie et par chemin. Il arriva le lendemain
En un lieu que devait la déesse bizarre
Fréquenter sur tout autre; et ce lieu, c'est la cour.
Là donc pour quelque temps il fixe son séjour,
Se trouvant au coucher, au lever, à ces heures Que l'on sait être les meilleures;
Bref, se trouvant à tout et