L'école des femmes
Levez un peu la tête, et tournez le visage.
Là, regardez-moi là, durant cet entretien :
Et jusqu’au moindre mot imprimez-le-vous bien.
Je vous épouse, Agnès, et cent fois la journée680 Vous devez bénir l’heur de votre destinée :
Contempler la bassesse où vous avez été,
Et dans le même temps admirer ma bonté,
Qui de ce vil état de pauvre villageoise,
Vous fait monter au rang d’honorable bourgeoise :685 Et jouir de la couche et des embrassements,
D’un homme qui fuyait tous ces engagements ;
Et dont à vingt partis fort capables de plaire,
Le cœur a refusé l’honneur qu’il vous veut faire.
Vous devez toujours, dis-je, avoir devant les yeux690 Le peu que vous étiez sans ce nœud glorieux ;
Afin que cet objet d’autant mieux vous instruise,
À mériter l’état où je vous aurai mise ;
À toujours vous connaître, et faire qu’à jamais
Je puisse me louer de l’acte que je fais [5] .695 Le mariage, Agnès, n’est pas un badinage.
À d’austères devoirs le rang de femme engage :
Et vous n’y montez pas, à ce que je prétends,
Pour être libertine [6] et prendre du bon temps.
Votre sexe n’est là que pour la dépendance.700 Du côté de la barbe est la toute-puissance.
Bien qu’on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n’ont point d’égalité :
L’une est moitié suprême, et l’autre subalterne :
L’une en tout est soumise à l’autre qui gouverne.705 Et ce que le soldat dans son devoir instruit
Montre d’obéissance au chef qui le conduit,
Le valet à son maître, un enfant à son père,
À son supérieur le moindre petit frère,
N’approche point encor de la docilité,710 Et de l’obéissance, et de l’humilité,
Et du profond respect, où la femme doit être
Pour son mari, son chef, son seigneur, et son