L’Autre est-il un moyen de connaissance de soi ?
Descartes, dans son cogito ergo sum, affirme que le je est un être pensant puisqu’il existe. Le moi est maitre de ses pensées et domine sa conscience s’il sait s’écarter de deux écueils, la précipitation et les préjugés. Responsable de ses actes, le moi est tout-à-fait à même d’entrer en relation avec autrui. Cependant, Arthur Rimbaud, dans une lettre à Paul Demeny, ouvre une autre voie, détruisant toutes nos certitudes : « je est un autre ». Comment comprendre cette formule paradoxale associant une entité supposée stable qu’est le moi à son contraire, l’autre, indéfini et étranger ? Cette conception nouvelle que proposait alors Rimbaud, c’était de mettre à jour l’incapacité de l’artiste à maitriser son art, ses sentiments et son expression. L’œuvre s’engendrerait d’elle-même aux tréfonds de l’individu créateur. Ainsi, le moi serait une identité instable que le sujet ne saurait contrôler, révélant par la même la précarité de se penser soi comme un être uniforme et semant le doute sur ma capacité à utiliser le logos comme médiateur entre moi et moi-même, et a fortiori, entre moi et autrui. Comment pourrais-je penser l’Autre, entrer en communication avec lui, si je ne suis pas à même de savoir qui je suis ?
Ces penseurs d’hier ont jeté un regard nouveau sur notre condition d’Homme, sur notre rapport à nous-mêmes et aux autres. L’introspection n’est plus monochrome, elle fait jaillir une figure polymorphe en technicolor. Et c’est là qu’il faut y trouver la jouissance de notre existence. Qui voudrait de la prédestination d’un Calvin (élection divine des êtres destinés à être graciés ou damnés), du déterminisme de Durkheim (primauté de la Sociéte sur les comportements individuels) ou d’un fatalisme béat de Diderot ? Des millions de gens qui y croient. La foi est le moteur central de l’action humaine. La foi en soi, en l’autre, en une transcendance.
Le XXe siècle a été celui qui a creusé plus profondément