O vous frère humains
« Tu es un youpin, hein ? (…) je vois ça à ta gueule, tu manges pas du cochon, hein ? Vu que les cochons ne se mangent pas entre eux, tu es avare, hein ? Je vois ça à ta gueule, tu bouffes des louis d’or, hein ? Tu aimes mieux ça que les bonbons, hein ? Tu es encore un Français à la manque, hein ? Je vois ça à ta gueule, tu es un sale juif, hein ? Un sale juif, hein ? Ton père est de la finance internationale, hein ? Tu viens manger le pain des français, hein ? Messieurs dames, je vous présente un copain à Dreyfus, un petit youtre pur sang, garanti de la catégorie des sécateurs (…). »[1]
Cela se produit donc dans une France plongée dans l’affaire Dreyfus. Observation non négligeable. L’image du juif est celle du traître à l’état, de l’espion… Et l’invective lancée est emplie de tous les clichés possibles.
Puis ce n’est que quarante ans plus tard, en 1945, que Cohen décide de narrer l’événement dans un texte « Jour de dix ans ». Celui-ci connaîtra deux versions parues, pour la première, dans La France Libre, destiné à un public de résistant, pour la seconde, dans Esprit, destiné à un public chrétien. Le contexte historique est su de tous, nous sommes dans une France sortie de la Seconde Guerre Mondiale, avec la découverte des chambres à gaz. C’est pourquoi le texte s’achève sur cette vision de l’antisémitisme poussée à sa plus effroyable version.
Le texte final, celui que nous allons maintenant analyser, est paru en 1972 chez Gallimard sous le titre définitif de Ô vous, frères humains[2]. Prendre ce texte comme un