Y'a t'il de justes inégalités
Dans la mesure où nous sommes habitués à penser la justice à partir de l'égalité, la question apparaît comme absurde. L'inégalité est toujours le signe de l'injustice : les mêmes causes doivent produire les mêmes effets. Ainsi, une même quantité de travail devra donner lieu à une même rétribution, que la quantité de travail soit produite par un homme ou par une femme ; de même, une même faute devra être punie de la même sanction et cela indépendamment de l'appartenance sociale, ethnique, etc. Cela pose cependant des problèmes dans la mesure où cette égalité n'est pas première, naturelle, mais qu'elle est déjà l'objet d'une construction, c'est-à-dire qu'elle n'a de sens que par rapport à une loi qui a été elle-même instituée et qui n'est pas naturelle . Nous voilà donc ici ramené à la question de l'origine et du commencement.
Originellement, il n'y a pas d'égalité entre les gens mais simplement des différences, c'est-à-dire des différences d'identité. Mais différentes identités, qui sont des différences de nature et non des différences de degré, ne sont pas comparables entre elles. On est alors obligé de disjoindre les notions de justice et d'égalité : la question de la justice se pose avant tout pour moi dans la rencontre avec l'unique, avec l'absolument singulier et l'absolument différent. La question de la justice ne se pose pour moi que dans la mesure précise où il y a un événement qui surgit, qu'il y a quelque chose qui m'échappe (contingence et hasard), c'est-à-dire à partir du moment où ce qui arrive ne peut pas être égaliser à une loi déjà instituée. S'il y a simplement égalité arithmétique devant une loi à laquelle tout peut être ramené et jugé en fonction de celle-ci, ce qui rend impensable l'idée d'une entorse à la loi et la possibilité d'un événement absolument singulier dans le monde, la question de la justice ne se pose pas. La justice est corrélative du scandale du péché, de la sortie de l'innocence, seul événement