Ce fut comme une apparition. Elle était assise au milieu du banc, seule, perdue dans ses pensées. Elle aimait s’assoir à cet endroit, elle le trouvait reposant, avec ce bruit continu de l’eau. Ou du moins, Frédéric ne distingua personne, se persuadant ainsi à se rapprocher d’elle. Au moment où il passait devant elle, intriguée par l’ombre que projetait celui-ci sur sa broderie, elle leva la tête, ce qui provoqua chez Frédéric une gène si soudaine qu’il en fléchit involontairement les épaules, ce qu’il se reprocha intérieurement. Il s’éloigna tout en restant du même coté, puis il entreprit de la regarder, alors que celle-ci se reconcentra sur sa broderie.
Elle avait un large chapeau de paille, avec des rubans roses qui palpitaient au vent derrière elle. C’était son préféré. C’était un cadeau qu’elle avait reçu lors d’une soirée. Ses bandeaux noirs, contournant la pointe de ses grands sourcils, descendaient très bas et semblaient presser amoureusement l'ovale de sa figure. Sa robe de mousseline claire, tachetée de petits pois, se répandait à plis nombreux. Elle adorait cette robe, c’était de loin sa préférée. On la complimentait souvent à son propos. Elle était en train de broder quelque chose, en essayent d’y mettre tout son soin et sa concentration afin de ne pas rater son œuvre. Et son nez droit, son menton, toute sa personne se découpait sur le fond de l'air bleu. Comme elle gardait la même attitude, essayant de ne pas montrer son intérêt vif pour le garçon, Frédéric fit plusieurs fois le tour, feignant regarder au loin, et doucement, se positionna à coté de l’ombrelle de la jeune fille, qui était posée à coté d’elle. Il fit semblant de s’intéresser à une chaloupe sur la rivière, se demandant s’il fallait lancer la conversation, ou au contraire s’abstenir, de peur d’être inconvenant. C’est qu’il ne savait pas s’y prendre avec les femmes. Aucune ne l’avait jamais intéressé comme celle-ci. Il n’avait donc jamais eu l’occasion de tester son charme (s’il en eu