140307081156Ils furent des poetes maudits 1
Le poète Paul Verlaine a écrit une série d’articles sur des poètes qu’il a baptisés « poètes maudits ». Il y nommait Tristan Corbière, Arthur Rimbaud, Stéphane Mallarmé, Marceline Desbordes-Valmore, Auguste de Villiers de L’Isle-Adam et lui-même. Par la suite, la tradition littéraire a ajouté Nerval, Baudelaire et Lautréamont.
« Pourquoi ces poètes sont-ils maudits ? Parce qu’ils trouvent leur vie tragique : ils ont vécu une enfance malheureuse, ils manquent d’argent dans leur vie d’adulte, et n’ont pas une santé particulièrement florissante. Leur vie désorganisée n’améliore évidemment pas leur condition physique. Ils se trouvent aussi très différents de la société bourgeoise et conformiste qui les entoure et qu’ils provoquent dans leur vie (ils boivent, ils se droguent…) ou dans leurs œuvres. Mais souvent cette différence leur pèse. L’écriture est alors une ouverture, le lieu de leur recherche d’absolu et de perfection. »1
Le point noir
Quiconque a regardé le soleil fixement
Croit voir devant ses yeux voler obstinément
Autour de lui, dans l'air, une tache livide.
Ainsi, tout jeune encore et plus audacieux,
Sur la gloire un instant j'osai fixer les yeux :
Un point noir est resté dans mon regard avide.
Depuis, mêlée à tout comme un signe de deuil,
Partout, sur quelque endroit que s'arrête mon oeil,
Je la vois se poser aussi, la tache noire! --
Quoi, toujours? Entre moi sans cesse et le bonheur!
Oh! c'est que l'aigle seul -- malheur à nous, malheur!
Contemple impunément le Soleil et la Gloire.
Gérard de NERVAL (1808-1855), Odelettes.
« Ne m’attends pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche. » Ce mot laissé chez sa tante par Gérard Labrunie, dit Gérard de Nerval, annonçait des choses sombres. Le 26 janvier (1855) à l’aube, le poète Nerval est trouvé pendu à une grille, rue de la Vieille-Lanterne, au Châtelet, un manuscrit dans sa poche. (…) Son père était médecin