262 Rimbaud Le Dormeur Du Val
André Durand présente
‘’Le dormeur du val’’
(1870)
Poème de RIMBAUD
RIMBAUD
C'est un trou de verdure où chante une rivière Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme. Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Analyse
Introduction
Le scandale de la mort de l'être humain, surtout quand elle est opposée à l'immuabilité et à l'enchantement de la nature, est un thème traditionnel de la poésie lyrique. Mais le scandale est encore plus grand quand il s'agit de celle d'un être jeune, promis à toutes les joies de l'existence, fauché par la guerre, au hasard d'une bataille. Le jeune poète Rimbaud en a été saisi quand, au cours d'une de ses fugues dans la forêt ardennaise qui avait été peu de temps auparavant le théâtre de la guerre franco-prussienne de 1870, il dut découvrir un cadavre de soldat.
Cela lui a inspiré un poème dont il a indiqué la date : octobre 1870 (il avait donc seize ans) qui est le mois où il l’a copié pour son ami, Démeny, et qu'il a intitulé, de façon très agréablement poétique, “Le dormeur du val”, pour mieux dérouter le lecteur.
En effet, dans ce sonnet, de forme régulière par la disposition des strophes (chacune possédant en principe son autonomie syntaxique et constituant sur le plan du sens une étape du texte) mais pas par celle des rimes (le même jeu de rimes n’est pas employé dans les deux quatrains et les rimes embrassées traditionnelles furent