3Clindorenprison 1
Aimables souvenirs de mes chères délices
Qu’on va bientôt changer en d’infâmes supplices,
Que, malgré les horreurs de ce mortel effroi,
Vous avez de douceurs et de charmes pour moi !
Ne m’abandonnez point, soyez-moi plus fidèles
Que les rigueurs du sort ne se montrent cruelles ;
Et lorsque du trépas les plus noires couleurs
Viendront à mon esprit figurer mes malheurs,
Figurez aussitôt à mon âme interdite
Combien je fus heureux par delà mon mérite ;
Lorsque je me plaindrai de leur sévérité,
Redites-moi l’excès de ma témérité,
Que d’un si haut dessein ma fortune incapable
Rendait ma flamme injuste et mon espoir coupable,
Que je fus criminel quand je devins amant,
Et que ma mort en est le juste châtiment.
Quel bonheur m’accompagne à la fin de ma vie !
Isabelle, je meurs pour vous avoir servie,
Et, de quelque tranchant que je souffre les coups,
Je meurs trop glorieux, puisque je meurs pour vous !
Hélas, que je me flatte et que j’ai d’artifice
Pour déguiser la honte et l’horreur d’un supplice !
Il faut mourir enfin, et quitter ces beaux yeux
Dont le fatal amour me rend si glorieux :
L’ombre d’un meurtrier cause encor ma ruine ;
Il succomba vivant et, mort, il m’assassine ;
Son nom fait contre moi ce que n’a pu son bras ;
Mille assassins nouveaux naissent de son trépas,
Et je vois de son sang fécond en perfidies
S’élever contre moi des âmes plus hardies,
De qui les passions s’armant d’autorité
Font un meurtre public avec impunité !
Demain, de mon courage ils doivent faire un crime,
Donner au déloyal ma tête pour victime,
Et tous pour le pays prennent tant d’intérêt
Qu’il ne m’est pas permis de douter de l’arrêt.
Ainsi de tous côtés ma perte était certaine :
J’ai repoussé la mort, je la reçois pour peine ;
D’un péril évité je tombe en un nouveau,
Et des mains d’un rival en celles d’un bourreau.
Je frémis au penser de ma triste aventure ;
Dans le sein du repos je suis à la torture ;
Au milieu de la nuit et du temps du sommeil
Je vois de mon trépas le honteux