433 Baudelaire Je Te Donne Ces Vers 1
Il faudrait pouvoir identifier cet être qui n’apparaît d’ailleurs que dans la deuxième moitié du poème : est-ce une muse impersonnelle? est-ce la beauté elle-même que seul le poète peut atteindre et qui reste inaccessible aux mortels? ne serait-ce pas plutôt la femme aimée, la mulâtresse Jeanne Duval, qui fut la maîtresse de Baudelaire et sa compagne durant vingt ans?
Ainsi, ce poème, qui parut le 20 avril 1857 dans ‘’La revue française’’, dont on peut supposer qu’il fut composé au cours des semaines précédentes, serait une dédicace par laquelle le poète aurait offert ses vers à celle qui les avait inspirés. Et le sonnet fermerait de façon explicite le premier cycle des poèmes d’amour des ‘’Fleurs du mal’’, qu’on appelle le «cycle de Jeanne», ou le cycle de «la Vénus noire», celui de l’amour sensuel, de l’amour charnel et corrupteur, qui asservit, torture et aboutit à la damnation, ceci malgré certains moments de tendresse. Baudelaire voulait donner à ce premier cycle de vers d'amour l'aspect d'une liaison infernale, afin de l’opposer plus fortement au second cycle, celui de I'amour angélique et purificateur, qu’il eut pour Mme Sabatier.
Dans la première édition des ‘’Fleurs du mal’’, le sonnet venait immédiatement après ‘’Le balcon’’, où I'amour est peint sous les couleurs les plus douces. Mais la dissonance n'était pas aussi violente qu'elle apparaît aujourd'hui. Car, si ‘’Le balcon’’ avouait une rupture avec Jeanne Duval, ‘’Le possédé’’ et ‘’Un fantôme’’, ajoutés dans la seconde édition, témoignent d'une liaison renouée, mélancolique à coup