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2862 mots 12 pages
L’inceste symbolique dans Homo Faber de Max Frisch

par Rennie Yotova
Université de Sofia « St. Clément d’Ohrid », Bulgarie

Mais, ma fille, c’est une illusion de penser trouver une fin heureuse à cette histoire. Il ne peut pas y en avoir. Puisque l’inceste a été commis, la tragédie est inévitable.
Atiq Rahimi, Syngué sabour1

Depuis la mythologie nous connaissons de nombreux scénarios incestueux. Les parents archaïques de l’humanité se sont unis dans un inceste fondateur entre le ciel-fils Ouranos et la terre-mère Gaïa. Les dieux sont forgés par l’inceste et dans l’inceste. Seules les divinités humaines (les pharaons, par exemple) avaient le droit de posséder sexuellement leur ascendance et d’affirmer ainsi la pureté divine. Aux origines, la sexualité est incestueuse. Dans le mythe unique de l’origine domine justement l’indifférenciation incestueuse, l’idée du grand Tout. Sur le plan symbolique et d’un point de vue anthropologique chez certaines tribus en Afrique Centrale certaines formes d’inceste sont considérées comme bénéfiques : les rapports sexuels avec sa sœur rendent un guerrier invulnérable, il est donc autorisé à pratiquer cette forme d’inceste à la veille d’un combat. Chez les Kalang de Java, les mariages entre mère et fils portent bonheur et apportent fertilité et abondance. D’autres tribus, en Sibérie du Nord acceptent la défloraison de la jeune fille par son frère ou par son père avant son mariage ; chez les Sénégalais et les Moluquois ce rôle incombe au père. L’ordre symbolique permet aux individus de faire la distinction entre leurs « proches-semblables » et leurs « lointains-dissemblables » et de recadrer leurs conduites sexuelles. Cet ordre symbolique devrait réguler les processus de la sexualité infantile par des interdits. C’est le point de rupture nature-culture d’où émerge dans les relations interindividuelles le symbole du tiers investi, considéré comme catalyseur de la transmutation de l’ordre biologique en ordre symbolique. Le

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