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Estelle Girard
Dans le paysage littéraire du Québec, Patrick Senécal est considéré par plusieurs spécialistes comme le maître du roman fantastique et d’horreur québécois du XXIe siècle. Parfois surnommé le « Stephen King québécois », Senécal a construit une œuvre unique1 où se mêlent la banalité du quotidien, l’aléatoire et l’absurde, la violence et la cruauté, la raison et la
Une liste exhaustive des œuvres, des articles, des scénarios et des prix décernés est disponible sur le site officiel de l’auteur.
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www.revue-analyses.org, vol. 8, nº 2, printemps-été 2013
déraison. L’auteur semble fasciné par le monde de la folie et du mal; il décrit le passage continu et hésitant dans l’association hybride de ces deux composantes, hybridation scénarisée dans le jeu des conflits entre les personnages torturés par l’emmêlement de l’humanité et de la bestialité.
De son propre aveu, ce qui fait le plus peur à Senécal, « ce ne sont pas les monstres, les loups-garous ou les vampires : ce sont les êtres humains » (cité par Fortin, 2001, p. 36). L’auteur traque les monstres humains, explore le côté sombre qui sommeille en chaque personne. Dans le cadre de cet article, il est impossible de présenter une analyse exhaustive de chaque roman senécalien. Je propose donc de saisir les thèmes de son œuvre à partir des couples de la raison et de la folie, de la norme et de la transgression, du sens et du non-sens. Le jeu dialectique de ces pôles binaires permettra également d’exposer la nature monstrueuse des divers acteurs senécaliens.
Ma démarche d’analyse du monstre senécalien se déploie sur l’axe des processus ternaires de symbolisation, concept emprunté à Paul Ricœur. Ce dernier a exploré le jeu ternaire des pronoms dans Soi-même comme un autre (1990) en mettant en scène une identité qui se cherche et le processus narratif qui
exprime