A_la_maniere_de_Maupassant
La scène se passe à Epreville, en Normandie, dans la ferme de la mère Magloire, une vieille fermière âpre au gain, à qui maître Chicot, l’aubergiste de la ville, veut racheter sa ferme attenante à ses propres terres. Il lui a proposé quelques jours auparavant de lui vendre son bien en viager mais la vieille femme, méfiante et cupide, a demandé un délai de réflexion et consulté entretemps le notaire.
Une semaine plus tard, maître Chicot vint constater les effets de sa proposition auprès de la mère Magloire. Celle-ci l'accueillit avec un petit sourire malicieux qui laissait paraître une joie mal contrôlée. « J'ai eu par c'te nuit une idée qui pourrait p'têt' ben vous plaire, lui dit-elle. Vous m'donnez chaque mois queques p'tites pièces en pu. J'veux dire par là une petite vingtaine d'écus d’cents sous. Pi j'aimerais deux ou trois cocottes pour festoyer un peu. Si ça n'vous convient pas, j'peux vous dire que, mé, j'dois pu viv' qu'une p'tite poignée d'années. L'aut' jour, vl'a qu'mes jambes s'mettent à trembler. Mes os qui dansent la gavotte, moi ça m'met pas tranquille. J'en ai pt'êt pu pour bien longtemps. Si j'trépasse dans un ou deux ans, ma ferme s'ra à vous pu rapidement. »
Maître Chicot n’en revenait pas. Non seulement elle lui réclamait plus d’argent, mais elle désirait aussi qu'il lui offrît des poules ? Et elle prétendait trépasser dans les deux ans !
« Hé, mère Magloire, c'est qu'mé j'suis pas aussi riche que vous pouvez l'penser !
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- Allons ! C'est bien peu vu la valeur de ma ferme. C’est l’notaire qui l’dit ! »
L'aubergiste resta muet de stupeur et de crainte. S'il voulait cette ferme, il fallait en passer par là. Mais ce prix était bien plus qu'il ne pouvait payer, car la vieille femme vivrait sûrement encore de nombreuses années. Après plusieurs minutes de réflexion, il se résolut cependant à accepter.
« Bien ! C'est entendu. Mais pas une seule pièce de plus, hein ! On est bien d’accord,