Aborder l"art primitif
André Malraux «Les Voix du Silence», Gallimard, Paris 1951
Le mystère, la force et la présence d’un masque Dan ou d’une statuette Dogon impriment durablement la mémoire de celui qui les contemple. Les animistes, qui usaient de magies et non pas d’images pour s’ouvrir au sacré, ont créé des œuvres chargées d’une réelle présence, due au fait qu’elles ne cherchaient pas à représenter une divinité, mais à l’incarner.
Durant les rituels d’offrandes, de libations ou de sacrifices observés chez les Bambara ou les Minyanka du Mali, mais aussi de nombreuses autres sociétés animistes, se déroule une action picturale, dénuée d’ambition esthétique ou de projet figuratif. Constituée de paroles (incantations, prières), de gestes (égorgement de poulet ou de mouton, versement de sang, bouillie de mil,...) et de matières à haute charge symbolique (œuf et plumes de poule, feu, cendre, eau, alcool, etc...). Cette action-painting a pour finalité le contact avec un monde peuplé de forces, de divinités, de symboles et ancêtres, un monde irreprésentable, le monde invisible.
Les animistes invoquent et activent la Présence de ces forces par le biais d’une forme sculptée dans le bois et par le biais d’un langage magique. Les enquêtes ethnographiques ont démontré que ces «langages magiques», qui tissaient des liens avec le monde invisible, étaient structurés comme de véritables langages symboliques, comme l’avait