Acte 3 scène 8, andromaque de racine
Au premier acte (scène 4), le spectateur a découvert Andromaque dans une disposition d'esprit intraitable, voire ironique (v. 270-272), et développant un discours habile, méthodique, pour exposer sa résolution de mourir elle-même et de voir mourir son fils, plutôt que de céder aux avances de Pyrrhus.
L'acte III la lui montre très différente, parce qu'on croit alors la mort d'Astyanax imminente : scène 6, Andromaque s'humilie d'abord aux pieds de Pyrrhus (v. 915-916), le suppliant de sauver son fils, et scène 8, elle se laisse miner par des souvenirs hallucinatoires, sa volonté brisée, prononçant un discours envahi par des voix étrangères et butant sur des questions insolubles.
Dans la première tirade, l'évocation poétique de la chute de Troie n'est pas seulement pour Racine un moyen de rivaliser avec le genre épique de l'Antiquité, elle sert d'explication à la force de résistance d'Andromaque, contre l'espèce de harcèlement que lui fait subir Pyrrhus : le traumatisme a imprimé en elle de telles images d'horreur, qu'une carapace émotionnelle lui évite les troubles du présent - elle vit enfermée dans ce passé troyen, le passé de son couple, de son peuple. Au moyen de plusieurs anaphores (« Songe » x 4, « Voilà » x 2), et d'impératifs de renforcement (« Figure-toi » v. 3, « Peins-toi » v. 9), Racine donne à voir, par une terrifiante hypotypose, le carnage des Grecs dans Troie défaite, et la sauvagerie de Pyrrhus en particulier, selon le strict point de vue d'Andromaque. Elle nous rend perceptible cette couleur rouge de l'incendie et du sang, éclaboussant les victimes comme les bourreaux (v. 2-6, v. 8), et ce vacarme assourdissant du combat (v. 7 audacieux avec ses hémistiches symétriques). Ce spectacle en son et lumière qu'elle revit en le décrivant, lui permet de refuser de nouveau avec force (v. 13-15) de s'allier avec le responsable du génocide de son peuple elle préfère ainsi condamner son enfant à mourir.
Dans sa