Acte 4 scène 5 de tartuffe
Tartuffe, Elmire
Tartuffe
Mais, si d’un œil bénin vous voyez mes hommages,
Pourquoi m’en refuser d’assurés témoignages ?
Elmire
Mais comment consentir à ce que vous voulez
Sans offenser le Ciel, dont toujours vous parlez ?
Tartuffe
Si ce n’est que le Ciel qu’à mes vœux on oppose,
Lever un tel obstacle est à moi peu de chose,
Et cela ne doit pas retenir votre cœur.
Elmire
Mais des arrêts du Ciel on nous fait tant de peur !
Tartuffe
Je puis vous dissiper ces craintes ridicules,
Madame, et je sais l’art de lever les scrupules.
Le Ciel défend, de vrai, certains contentements ;
(C’est un scélérat qui parle.)
Mais on trouve avec lui des accommodements.
Selon divers besoins, il est une science
D’étendre les liens de notre conscience,
Et de rectifier le mal de l’action
Avec la pureté de notre intention.
De ces secrets, Madame, on saura vous instruire ;
Vous n’avez seulement qu’à vous laisser conduire.
Contentez mon désir, et n’ayez point d’effroi ;
Je vous réponds de tout, et prends le mal sur moi.
Vous toussez fort, Madame.
Elmire
Oui, je suis au supplice.
Tartuffe, présentant à Elmire un cornet de papier.
Vous plaît-il un morceau de ce jus de réglisse ?
Elmire
C’est un rhume obstiné, sans doute, et je vois bien
Que tous les jus du monde ici ne feront rien.
Tartuffe
Cela, certe, est fâcheux.
Elmire
Oui, plus qu’on ne peut dire.
Tartuffe
Enfin votre scrupule est facile à détruire ;
Vous êtes assurée ici d’un plein secret,
Et le mal n’est jamais que dans l’éclat qu’on fait.
Le scandale du monde est ce qui fait l’offense,
Et ce n’est pas pécher que pécher en silence.
Elmire, après avoir encore toussé.
Enfin je vois qu’il faut se résoudre à céder,
Qu’il faut que je consente à vous tout accorder,
Et qu’à moins de cela je ne dois point prétendre
Qu’on puisse être content, et qu’on veuille se rendre.
Sans doute il est fâcheux d’en venir jusque-là,
Et c’est bien malgré moi que je