Acte v scène 7 lorenzaccio
Venise. -Le cabinet de Strozzi. Entrent Philippe et Lorenzo, tenant une lettre.
LORENZO. Voilà une lettre qui m'apprend que ma mère est morte. Venez donc faire un tour de promenade, Philippe.
PHILIPPE. Je vous en supplie, mon ami, ne tentez pas la destinée. Vous allez et venez continuellement, comme si cette proclamation de mort n'existait pas contre vous. LORENZO. Au moment où j'allais tuer Clément VII, ma tête a été mise à prix à
Rome ; il est naturel qu'elle le soit dans toute l'Italie, aujourd'hui que j'ai tué
Alexandre ; si je sortais d'Italie, je serais bientôt sonné à son de trompe dans toute l'Europe, et à ma mort, le bon Dieu ne manquera pas de faire placarder ma condamnation éternelle dans tous les carrefours de l'immensité.
PHILIPPE. A votre gaieté est triste comme la nuit ; vous n'êtes pas changé, Lorenzo.
LORENZO. Non, en vérité ; je porte les mêmes habits, je marche toujours sur mes jambes, et je bâille avec ma bouche ; il n'y a de changé en moi qu'une misère : c'est que je suis plus creux et plus vide qu'une statue de fer blanc.
PHILIPPE. Partons ensemble ; redevenez un homme ; vous avez beaucoup fait, mais vous êtes jeune.
LORENZO. Je suis plus vieux que le bisaïeul de Saturne ; je vous en prie, venez faire un tour de promenade.
PHILIPPE. A notre esprit se torture dans l'Inaction ; C'est là votre malheur. Vous avez des travers, mon ami.
LORENZO. J'en conviens ; que les républicains n'aient rien fait à Florence, c'est là un grand travers de ma part. Qu'une centaine de jeunes étudiants, braves et déterminés, se soient fait massacrer en vain ; que Côme, un planteur de choux, ait été élu à l'unanimité ; oh ! je l'avoue, je l'avoue, ce sont là des travers impardonnables, et qui me font le plus grand tort.
PHILIPPE. Ne raisonnons pas sur un événement qui n'est pas achevé. L'important est de sortir d'Italie ; vous n'avez pas encore fini sur la terre.
LORENZO. J'étais une