Amour et vir
Les cris, les rires de quelques autres ne seront plus jamais les siens
Il est là, seul au comptoir, éclairé par une lueur avare
Celle de son cigare épuisé qui fond en fines traces de moire.
Il passe toutes ses nuits ici, il est comme l’enfant du pays
Tout le monde le croise d’un coup d’œil mais personne ne s’approche de lui
D’ailleurs il préfère qu’on l’ignore, il n’aime pas trop être entouré
Même pour les beaux yeux d’une femme, il ne voudrait se retourner.
Sa femme à lui s’en est allée, plus loin plus haut, vers les blancs cieux
Elle le laisse seul, orphelin, veuf avant même de devenir vieux
Il se dit qu’elle va revenir et rallumer de son sourire
Les rues pavées de ce village que ses pas foulent en longs soupirs.
Et lorsqu’il rentre tôt le matin, il pose un baiser sur sa bouche
De grands yeux noirs sur la photo, mais un drap blanc près de sa couche
Il pleure de n’avoir pas été le premier des deux à partir
Et d’être aujourd’hui le dernier à s’encombrer de souvenirs.
Pourtant il ne se force pas à tenter cette ombre qui le guette
Une vie, même seul, reste une vie, il le sait bien et le regrette
Il attend que son heure arrive pour enfin retrouver le cœur
Qui a su faire battre le sien pendant ces trente ans de