Analyse de la mise en scène Perturbation
« Pouvez-vous vous imaginer un médecin de campagne, sa trousse à la main parcourant sans cesse la scène, en compagnie de son fils ? » Thomas Bernhard pose cette question dans l’un de ses rares entretiens ( La table ronde, mai 1990). Cette trame est celle de son roman Perturbation qui vient d'être adapté au théâtre par Krystian Lupa au théâtre national de la Colline en 2013. Cette Perturbation est un texte formidable mais difficile qui emprunte de multiples voies à partir d’un choix qui a façonné la réputation de l’auteur, une misanthropie infinie exprimée par un sens inouï de l’injure illimitée, morbide, à l’égard de l’humanité. A la suite d’une relecture du roman on peut douter de la possibilité de sa métamorphose en pièce de théâtre. Et néanmoins après un spectacle de plus de quatre heures, on est obligé de constater : travaillant les personnages et les péripéties, culbutant parfois l’ordre du livre, K. Lupa réussit à nous faire chavirer dans son embarcation, en la menant sur des fonds réalistes, mais préservant une teneur douloureusement comique naissant de l’obscène détestation des hommes et de leur vie. On peut alors s'intéresser plus particulièrement au lien entre la scène et le roman, autrement dit la mise en scène des concepts philosophiques : « Suis-je bien celui que je crois être, et cela étant dit, vais-je survivre à celui que je n'ai pas été ? » Comment cette critique noire et lourde de sens sur l'humanité, déjà violente à la lecture, est elle préservée sur scène, et même imposée plus fortement car physiquement aux spectateurs à travers cette adaptation ? Tout d'abord, Perturbation est un roman de recherche, qui appelle à une réflexion sur l'homme, et souvent considéré comme un prélude aux pièces de théâtre de Thomas Bernhard. Ensuite l'adaptation Perturbation est le fruit du travail de Kystian Lupa en collaboration avec son équipe artistique parce qu'elle conjugue