Analyse filmique
« Le temps n’a pas d’être, puisque le futur n’est pas encore, que le passé n’est plus et que le présent ne demeure pas »[1]
L’adaptation des romans au cinéma a depuis longtemps attiré l’attention des chercheurs qui se sont penchés le plus souvent sur l’analyse des modifications qui ont touché le scénario pour qu’il passe du code romanesque au code visuel, ou sur l’étude des personnages. Dans la présente étude, nous n’allons plus chercher à délimiter un terrain de comparaison entre le récit romanesque et celui filmique - en soulignant les scènes qui furent ajoutées, condensées ou même supprimées - mais nous allons plutôt étudier la fonction narrative qui, en fait, constitue une fonction commune aux deux langages : cinématographique et littéraire, et ce à travers l’analyse du film « Vivre me tue » de Jean-Pierre Sinapi.
C’est en fonction de la catégorisation genettienne de l’ordre dont relèvent les phénomènes d’anticipation et de rétrospection, de la vitesse dont relèvent la rapidité (ellipse) ou la lenteur (pause descriptive) de la narration, et de la fréquence (l'itératif, le répétitif et le singulatif), que nous allons voir si cette typologie est valable telle quelle pour le cinéma et en quoi le récit filmique dont la matière d’expression est l’image va être différent du récit littéraire qui puise toute sa magie dans le mot.
« Vivre me tue » est un film fort sur les problèmes de la deuxième génération de l’immigration, sur la fraternité et sur l’amour. Le film constitue l’adaptation du roman de Paul Smaïl, portant le même titre[2]. Il s’agit de l’histoire de deux frères français d’origine maghrébine : Paul, l’aîné, passionné de littérature, a fait de brillantes études, pourtant il peine à décrocher un emploi; il se contente de livrer les pizzas le matin et de travailler comme gardien, la nuit. A son opposé, Daniel, le cadet, est l’exemple du raté