Analyse, maintenant, je pardonne
Le treizième sonnet des Regrets appartient encore à l'élégie, mais il exprime un apaisement, après la souffrance exprimée dans les sonnets 6 à 9 ; il forme un groupe, avec les sonnets 10 à 12, dans lequel le poète dit le soulagement qu'il trouve dans la poésie.
1er quatrain :
"Maintenant crée le lien, à la fois avec le "maintenant" du sonnet 6, et avec le second quatrain, qui reprend mot à mot la même formule. "Douce fureur" est un oxymore ; la fureur évoque l'inspiration poétique, mais en même temps une passion destructrice ; "douce" atténue ce terme ; désormais, le poète ne maudit plus (sonnet 12), il pardonne. Cette strophe évoque Pétrarque, Canzoniere I, 1, 1-4 :
Voi ch'ascoltate in rime sparse il suono di quei sospiri ond'io nudriva 'l core in sul mio primo giovenile errore quand'era in parte altr'uom da quel ch'i' sono...
" Vous qui écoutez, aux rimes que j'ai répandues, le son de ces soupirs dont je nourrissais mon cœur, dans l'égarement premier de ma jeunesse, quand j'étais en partie un autre homme que je ne suis..."
Comme Pétrarque, il semble regretter d'avoir cru en la poésie ! Mais la thématique est courante : la poésie ne nourrit pas son homme. "consumer, sans, ingrat, vain, passe-temps, erreur" = lexique de la perte et de l'erreur, qui disqualifie la poésie, en contradiction avec le "je pardonne", et renforcé par l'allitération en [r].
2ème quatrain :
Il reprend la même formule, dans une rigoureuse symétrie ; "plaisant labeur" est encore un oxymore, le terme de labeur évoquant à la fois effort et torture ; il semble annoncer le 1er tercet du sonnet 18 ; l'on commence à entrevoir le thème de la poésie consolatrice, annoncé dès l'épître à d'Avenson, et dans les sonnets 11 et 12, ainsi que dans le dernier vers du sonnet 5 : "moi qui suis malheureux, je plaindrai mon malheur". Ce second quatrain, très répétitif, est marqué par une seconde anaphore : "puisque seul" ; le terme de "souci" doit être pris au