Anarchie par les plantes
L’anarchie par les plantes
Pablo Servigne
– Le mal s’est généralisé au point qu’on prétend aujourd’hui promouvoir une agriculture durable, comme si une agriculture digne de ce nom pouvait être autre chose que durable 1. – Cela est bien, dit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.
L
es pays développés sont ceux qui n’ont presque plus de paysans2. En passant à un système agricole industriel, ce que nous avons gagné en efficacité à court terme, nous l’avons perdu en diversité, souvent en qualité et surtout en autonomie alimentaire. De nos jours, nous dépendons presque totalement du marché et du supermarché pour nous nourrir. Et parallèlement, la dégradation de la qualité des aliments et de l’environnement préoccupe de plus en plus de monde. Mais au fil des ans, une résistance s’est organisée sous forme de contestation et sous forme d’alternatives. Certains se sont battus pour améliorer la qualité des produits et des sols3. Ainsi, le label Agriculture Biologique (AB) impose des critères très stricts de qualité au système de production actuel. Mais ce système s’en accommode très bien : non seulement la demande augmente, mais les prix sont très élevés (surtout à cause de l’obtention du label). Même si l’AB donne du fil à retordre au système agro-industriel, il n’est jamais question de remettre en cause le système lui-même. Pire, sous couvert de bonne conscience, l’AB reproduit des aspects de l’agriculture industrielle (dans la production et la distribution) qui favorisent l’exploitation de l’humain, l’accumulation de la valeur ajoutée produite
5 Réfractions 18
1. De Ravignan F. 2002. « La faim, comment s’en sortir ? » L’Écologiste 7: 26-29. 2. Silvia Pérez-Vitoria, dans l’émission du samedi 22 juillet 2006 du magazine de l’environnement « Terre à Terre » de Ruth Stégassy sur France Culture.Voir la note de lecture p. 136. 3. Les pionniers de l’agriculture biologique, dans les années trente, avaient en fait pour souci principal le sol et sa