Andalusia
M. ZINK, 1990 : Paris, Garnier, vol. 2, pp. 314-322.
C’EST LA COMPLAINTE D’OUTREMER.
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Empereour et roi et conte
Et duc et prince, a cui hom conte
Romans divers por vous esbatre 1
De cex qui se suelent combatre
Sa en arrier por sainte Eglise,
Car me dites par queil servise
Vos cuidiez avoir paradix.
Cil le gaaignerent jadiz
Dont vos oeiz ces romans lire
Par la poinne, par le martyre
Que li cors soffrirent sus terre.
Veiz ci le tens, Diex vos vient querre,
Braz estanduz, de son sanc tainz,
Par quoi li fex vos iert estainc
Et d’enfer et de purgatoire.
Reconmenciez novele estoire 2,
Serveiz Deu de fin cuer entier,
Car Dieux vous moustre le sentier
De son pays et de sa marche,
Que hom cens raison le sormarche.
Por ce si devriiez entendre
A revangier et a deffendre
La Terre de Promission
Qui est en tribulacion
Et perdue, ce Diex n’em pence,
Se prochainnement n’a deffence.
Soveigne vos de Dieu le Peire,
Qui por soffrir la mort ameire
Envoia en terre son fil.
Or est la terre en grant peril f. 9 r° 1
Lai ou il fut et mort et vis.
Je ne sai plus que vos devis.
Cf. plus bas v. 57-9.
Le mot épopée, que l’on doit à Jean Dufournet, est bien trouvé, puisque le mot « estoire » désigne, non les événements eux-mêmes, mais leur récit. En revanche, le jeu de mots qui fait le sel de ce vers est impossible à rendre. Il existe en effet deux mots « estoire ». L’un (du lat. historia) signifie « histoire », l’autre
(du grec stolion) « flotte », « escadre », « voyage par mer » ou parfois « troupe en marche pour une expédition militaire ». Le vers signifie donc à la fois « Recommencez une nouvelle page d’histoire » et
« Recommencez une nouvelle expédition » (celles vers la Terre Sainte empruntaient toujours la voie maritime depuis la seconde croisade). Rutebeuf était si fier de sa trouvaille qu’il a