Andromaque
Commentaire composé
Andromaque, de Racine Le monologue d’Oreste, Acte V scène 4 En reprenant le genre de la tragédie, l’âge classique le module selon la sensibilité de ces deux principales générations : celle de Corneille et celle de Racine. Le premier, chantre de l’héros vainqueur, trouve dans le modèle de Rome des accents stoïciens qui plaisent à un public frondeur et généreux ; le second, éduqué chez les messieurs de Port-Royal garde de cette empreinte janséniste une sensibilité particulière à la prédestination et à la faiblesse humaine. Dès la première représentation d’Andromaque (1667), les âmes impuissantes et torturées de son théâtre s’imposent aussi bien dans la « tristesse majestueuse » de la veuve d’Hector que dans la fureur d’Hermione ou d’Oreste. Le monologue de ce dernier, en réaction aux accusations injustifiées d’Hermione qui lui reproche d’avoir obéit en tuant Pyrrhus, est exemplaire des moments où Racine dénude les âmes. Après avoir souligné l’effort de lucidité et de réflexion qui prouve que le personnage n’a pas coupé tout lien avec la raison, nous verrons qu’il n’en ait pas moins menacé par la folie. Le choc immense que vient de subir Oreste se présente dans les alexandrins d’ouverture du monologue : en quatre vers, six questions qui toutes expriment l’incrédulité du héros devant le comportement d’Hermione. Réaction logique, puisqu’il venait chercher la récompense promise et qu’il n’a reçu que des accusations haineuses ; réaction tumultueuse, immédiate, propre à capter l’intérêt du public tout en donnant au personnage le temps nécessaire pour reprendre ses esprits. On ne s’étonnera donc pas qu’après cet exorde, le monologue enchaîne le plan traditionnel du discours. La narration, lancée par l’interjection « Quoi! », récapitule en une longue phrase de six vers l’ensemble des actions d’Oreste. La confirmation, après la question « Pour qui ? » (vers 1575), s’élance dans des exclamations qui souligne l’ingratitude d’Hermione ; et la