Anthologie xvie siècle - la pléiade
Petite Épître 1 au Roy En m'ébattant2 je fais rondeaux en rime, Et en rimant bien souvent, je m'enrime3 ; Bref, c'est pitié d'entre nous4 rimailleurs, Car vous trouvez assez de rime ailleurs, Et quand vous plait, mieux que moi rimassez, Des biens avez et de la rime assez : Mais moi, à tout5 ma rime & ma rimaille, Je ne soutiens6 (dont je suis marri7) maille8. Or ce9 me dit (un jour quelque rimart) « Viens ça, Marot, trouves-tu en rime art Qui serve aux gens, toi qui as rimassé ? – Oui vraiment, réponds-je, Henry Macé10 ; Car, vois-tu bien, la personne rimante Qui au jardin de son sens la rime ente11, Si elle n'a des biens en rimoyant, Elle prendra plaisir en rime oyant12. Et m'est avis, qui si je ne rimois, Mon pauvre corps ne serait nourri mois13, Ne demi-jour. Car la moindre rimette, C'est le plaisir, où faut que mon ris14 mette. » Si vous supplie, qu'à ce jeune rimeur Fassiez avoir par sa rime heur15, Afin qu'on dise, en prose ou en rimant ; « Ce rimailleur, qui s'allait enrimant, Tant rimassa, rima et rimonna, Qu'il a connu quel bien par rime on a. » Clément Marot (1496 – 1544)
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Lettre Jouant, m’amusant 3 M’enrhume (le poète est pauvre et sans feu.) 4 De nous autres François Ier était lui-même poète 5 Avec 6 Possède 7 Fâché 8 Menue monnaie (« Je ne gagne pas un sou ») 9 Ceci 10 Personnage inconnu ou imaginaire 11 Greffe (image allégorique) 12 Entendant (p.p. de ouïr) 13 Pas même un mois 14 Rire. Que je mette mon rire 15 Bonheur
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D.R. 2011 - XVIe
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Ces cheveux d’or… 1 Ces cheveux d’or sont les liens, Madame, Dont fut premier1 ma liberté surprise Amour la flamme autour du cœur éprise, Ces yeux le trait qui me transperce l’âme. Forts sont les nœuds, âpre et vive la flamme, Le coup de main à tirer bien apprise, Et toutefois j’aime, j’adore et prise Ce qui m’étreint, qui me brûle et entame. Pour briser donc, pour éteindre et guérir Ce dur lien, cette ardeur, cette plaie, Je ne