Anthologie
Jean de la fontaine Le Héron
Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où,Le Héron au long bec emmanché d'un long cou.Il côtoyait une rivière.L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours ;Ma commère la carpe y faisait mille toursAvec le brochet son compère.Le Héron en eût fait aisément son profit :Tous approchaient du bord, l'oiseau n'avait qu'à prendre ;Mais il crut mieux faire d'attendreQu'il eût un peu plus d'appétit.Il vivait de régime, et mangeait à ses heures.Après quelques moments l'appétit vint : l'oiseauS'approchant du bord vit sur l'eauDes Tanches qui sortaient du fond de ces demeures.Le mets ne lui plut pas ; il s'attendait à mieuxEt montrait un goût dédaigneuxComme le rat du bon Horace.Moi des Tanches ? dit-il, moi Héron que je fasseUne si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ?La Tanche rebutée il trouva du goujon.Du goujon ! c'est bien là le dîner d'un Héron !J'ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise !Il l'ouvrit pour bien moins : tout alla de façonQu'il ne vit plus aucun poisson.La faim le prit, il fut tout heureux et tout aiseDe rencontrer un limaçon.Ne soyons pas si difficiles :Les plus accommodants ce sont les plus habiles :On hasarde de perdre en voulant trop gagner.Gardez-vous de rien dédaigner ;Surtout quand vous avez à peu près votre compte.Bien des gens y sont pris ; ce n'est pas aux HéronsQue je parle ; écoutez, humains, un autre conte ;Vous verrez que chez vous j'ai puisé ces leçons.
La Besace La fontaine
Jupiter dit un jour : "Que tout ce qui respire S'en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur : Si dans son composé quelqu'un trouve à redire, Il peut le déclarer sans peur ; Je mettrai remède à la chose. Venez, Singe ; parlez le premier, et pour cause. Voyez ces animaux, faites comparaison De leurs beautés avec les vôtres. Etes-vous satisfait? - Moi ? dit-il, pourquoi non ? N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres ? Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché ; Mais pour mon