Antigone
J’étais réveillé quand mon père partit. Ma mère lui fit quelques recommandations et resta après son départ, prostrée sur son lit, le visage caché dans ses deux mains. J’eus la sensation que nous étions abandonnés, que nous étions devenus orphelins.
Tout le monde dans le quartier devait être au courant de nos ennuis matériels et du départ de mon père. Ils manifesteraient à notre égard une pitié ostentatoire plus humiliante que le pire mépris. Mon père parti, nous restions sans soutien, sans défense.
Le père, dans une famille comme la nôtre, représente une protection occulte. Point n’est besoin qu’il soit riche, son prestige moral donne force, équilibre, assurance et respectabilité.
Mon père venait le soir seulement à la maison, mais il semblait que toute la journée se passait en préparatifs pour le recevoir. Je comprenais ce qui tourmentait ma mère, ce matin, dans la lumière du jour à peine naissant. Elle se rendait compte dans le tréfonds de son cœur que ses préparatifs seraient vains. Personne le soir ne pousserait plus notre porte, n’apporterait de l’extérieur la suave odeur du travail, ne servirait de lien entre nous et la vie exubérante de la rue.
Pour ma mère et moi, mon père représentait la force, l’aventure, la sécurité, la paix. Il n’avait jamais quitté