Antologie sur le baroque
Mortel, pense quel est dessous la couverture
D'un charnier mortuaire un cors mangé de vers,
Décharné, dénervé, où les os découverts,
Dépoulpés, dénoues, délaissent leur jointure ; Ici l'une des mains tombe de pourriture,
Les yeux d'autre côté détournez à l'envers
Se distillent en glaire, et les muscles divers
Servent aux vers goulus d'ordinaire pâture ; Le ventre déchiré cornant de puanteur
Infecte l'air voisin de mauvaise senteur,
Et le né mi-rongé difforme le visage; Puis connaissant l'état de ta fragilité,
Fonde en Dieu seulement, estimant vanité
Tout ce qui ne te rend plus savant et plus sage. Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer,
L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,
Car la mer et l'amour ne sont point sans orage. Celui qui craint les eaux, qu'il demeure au rivage,
Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,
Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,
Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage. La mère de l'amour eut la mer pour berceau,
Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau
Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes. Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,
Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,
Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes. _Pierre de Marbeuf, _Recueil des vers
Anthologie sur le Baroque Amlet : Mourir, dormir ; Dormir ! Peut-être rêver. Oui, là est l'embarras ; Car quels rêves peut-il nous venir dans ce sommeil de la mort Quand nous sommes débarrassés de l'étreinte de cette vie? Voila qui doit nous arrêter. Ainsi la conscience fait de nous autant de lâches ; Ainsi la couleur native de la résolution Est toute blêmie par le pâle reflet de la pensée, Et telle ou telle entreprise d'un grand élan et d'une grande portée, À cet aspect, se détourne de son cours Et manque à mériter le nom d'action.