Apologie de raimond sebon
Ma maison a esté dés long temps ouverte aux gens de sçavoir, et en est fort cogneuë ; car mon pere qui l’a commandée cinquante ans, et plus, eschauffé de cette ardeur nouvelle, dequoy le Roy François premier embrassa les lettres et les mit en credit, rechercha avec grand soin et despence l’accointance des hommes doctes, les recevant chez luy, comme personnes sainctes, et ayans quelque particuliere inspiration de sagesse divine, recueillant leurs sentences, et leurs discours comme des oracles, et avec d’autant plus de reverence, et de religion, qu’il avoit moins de loy d’en juger : car il n’avoit aucune cognoissance des lettres, non plus que ses predecesseurs. Moy je les ayme bien, mais je ne les adore pas.
Entre autres, Pierre Bunel, homme de grande reputation de sçavoir en son temps, ayant arresté quelques jours à Montaigne en la compagnie de mon pere, avec d’autres hommes de sa sorte, luy fit present au desloger d’un livre qui s’intitule Theologia naturalis ; sive, Liber creaturarum magistri Raimondi de Sebonde. Et par ce que la langue Italienne et Espagnolle estoient familieres à mon pere, et que ce livre est basty d’un Espagnol barragouiné en terminaisons Latines, il esperoit qu’avec bien peu d’ayde, il en pourroit faire son profit, et le luy recommanda, comme livre tres-utile et propre à la saison, en laquelle il le luy donna : ce fut lors que les nouvelletez de Luther commençoient d’entrer en credit, et