Appolinaire
Alcools
Le poème de Guillaume Apollinaire « L’émigrant de Landor Road », tiré du recueil Alcools est paru en 1913. Il traite de la dérive psychologique et physique d’un homme visiblement abandonné par une femme, ce qui se rapporte à sa propre biographie, puisque la femme dont il était amoureux (qui vivait à Landor Road à Londres) est partie en Amérique, le laissant seul en Europe. Il en parle d’abord dans un contexte populaire et impersonnel, pour ensuite se recentrer sur lui-même pour faire une sorte d’introspection de son mal-être. Ses idées semblent, du moins au début, assez irrégulières, et marquent donc la divagation de l’esprit du poète mal-aimé (il traite d’ailleurs ce sujet dans de nombreux autres poèmes du recueil, tels que « Les colchiques » ou « la Chanson du mal-aimé »). On souligne d’ailleurs le fait que les strophes soient, au premier abord, plutôt régulières, puis le sont de moins en moins. L’alternance entre les rimes croisées et rimes embrassées, les rejets en fin de vers ou la mise en page irrégulière (comme la sixième strophe beaucoup plus courte et centrée sur la page que les autres) sont d’autant plus d’éléments à remarquer : ils vont de pair avec les divagations et les rêveries du poète. Nous traiterons donc d’abord du poète dans son aspect populaire, puis la notion des départs fatals et le temps qui passe inéluctablement, et enfin la dimension soudainement solitaire d’un homme à la dérive et l’importance attachée au corps plutôt qu’à l’esprit dans le lyrisme d’Apollinaire.
Nous notons d’abord dans la première strophe l’importance du corps (« pied droit », « quelques têtes »). L’enjambement des deux derniers vers de la strophe illustre le fait de « couper quelques têtes », comme si le pouvoir passait du roi au tailleur. On voit ici une sorte de monde inversé (il y a au premier vers l’opposition du chapeau qu’on tient à la main et du pied droit), tout semble inversé. Cela rappelle la