Argumentation
1.Préambule : Les discours sur l'argumentation comme objets de l'analyse de discours
De même qu'il est recommandé à un cuisinier de goûter à sa propre soupe, il est intéressant de regarder comment argumentent les théoriciens de l'argumentation : Médecin, guéris-toi toi-même… La question évoquée dans ce préambule porte sur une variante : dans quelles conditions s'intéresse-t-on aux pratiques argumentatives pour produire des théories de l'argumentation ?
Ces théories sont aussi des pratiques discursives, et, en tant que telles, justiciables des méthodes de l'analyse de discours. Sous une de ses définitions principales, l'analyse de discours a pour objet les “conditions de production” des discours, cette redoutable expression renvoyant au positionnement d'une parole dans le champ des genres, et, plus généralement, à son positionnement socio-politique et historique. Simplifiée, la question qui nous concerne est la suivante : comment se fait-il qu'on parle de l'argumentation à certaines époques, qu'on cesse d'en parler, et qu'on recommence ? Cette problématique est dissimulée sous des slogans comme ceux qui touchent aux “disparitions” et aux “renaissances” des études d'argumentation — slogans qui, par parenthèse, constituent sans doute le niveau zéro de l'analyse de discours. En France, trois moments seraient à observer dans les développements contemporains des réflexions théoriques sur l'argumentation.
• La fin du 19e siècle, où l'argumentation, liée à la rhétorique, a été non pas oubliée mais délégitimée par le discours scientifique de l'époque.
• Autour de la seconde guerre mondiale, où l'attention s'est portée sur la propagande et les “discours totalitaires”.[1] La réflexion sur l'argumentation, celle de Toulmin comme celle de Perelman et Olbrechts-Tyteca s'est construite dans ce cadre. Pour reprendre les termes de Tchakotine (p. 152), il s'agit alors d'opposer à la « senso-propagande », une « ratio-propagande