aristote
CORPS DES CITOYENS, CORPS DE LA CITÉ
L’emploi métaphorique du mot « corps » pour représenter la communauté des citoyens est parfaitement usuel dans la réflexion politique moderne. Or, paradoxalement, en dépit du rôle fondateur de la pensée politique des Grecs dans la réflexion occidentale, de la Renaissance à l’époque moderne 1, la métaphore même du corps politique et de ses membres ne plonge pas ses racines dans la réflexion politique de l’époque classique grecque (celle des ve et ive siècles). Elle est pourtant attestée dans la réflexion de l’époque hellénistique et romaine et remonte peut-être à de très anciennes origines proche-orientales. Cependant l’origine de l’omniprésence de cette métaphore dans la pensée occidentale nous semble être essentiellement chrétienne, à partir du Nouveau Testament et des écrits des Pères de l’Église.
Le corps de la cité dans la pensée classique : une métaphore problématique
L’usage commun de l’époque classique reflète la perception de l’individu humain comme une totalité, ce qui explique par exemple l’emploi universel par orateurs et historiens de sôma pour désigner non pas le corps seul, mais l’individu, la personne, dans sa totalité et sa singularité. Cependant, on ne relève pas, dans cette perspective, d’emploi métaphorique vraiment significatif du terme « corps » passant du corps des citoyens (c’est-à-dire de leur personne) à la cité définie comme un corps abstrait constitué par la somme des corps ou des personnes des citoyens, ni chez les orateurs ou les historiens, ni chez les philosophes.
À l’aide du TLG – E et du programme « complex search » de Pandora nous avons cherché en effet les occurrences dans la prose classique des associations entre « corps »,
« membres » et « cité », « citoyens », qui pourraient véhiculer cette métaphore. Les résultats d’une telle recherche sont extrêmement maigres : ni Hérodote, ni Thucydide, ni Xénophon, ni Lysias,