Art , beaute
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ART , BEAUTE
Le terme esthétique semble, en raison de son étymologie, ne poser aucun problème majeur de traduction dans sa transposition d'une langue européenne à une autre. Créé par Alexander Gottlieb Baumgarten (1714-1762), le néologisme « ästhetica » paraît, du moins dans l'esprit du philosophe allemand, ne souffrir aucune équivoque, et les philosophes européens, assurés de l'étymologie grecque et acquis à son insertion dans le vocabulaire du latin philosophique, sont nombreux à l'adopter spontanément. Cependant, dès le début du XIXe siècle, la méfiance qu'il provoque est à la mesure de l'engouement qu'il suscite. Les problèmes, variables d'une langue à une autre et d'un pays à un autre, concernent aussi bien la délimitation du champ des connaissances portant sur l'art et sur le beau que la spécialisation des savoirs, des méthodes et des objets relatifs à l'étude du sensible. La cohérence épistémologique que semble assurer la circulation, presque à l'identique, d'un terme parfaitement identifiable d'une langue à une autre — de l'anglais au roumain, en passant par le grec moderne, l'espagnol, l'italien, etc. — apparaît dès lors illusoire.
I.
Baumgarten et l'épistémologie d'une science du sensible définition
A. La première
Partant de la distinction platonicienne et aristotélicienne— reprise plus tard par les Pères de l'Église — entre les aisthêta (choses sensibles ou faits de sensibilité) et les noêta (choses intelligibles ou faits d'intelligibilité), A.G. Baumgarten ne doute pas, dès 1735, dans ses Meditationes philosophicae de nonnulis ad poema pertinentibus, de l'existence d'une science du monde sensible. « Les noêta […] sont l'objet de la Logique — déclare-t-il — les aisthêta sont l'objet de l' epistemê aisthêtikê, ou encore de l'Esthétique » (CXVI). Du moins est-ce ainsi, quinze ans avant la parution de l'Ästhetica (entre 1750 et