Art Horace et la querelle
Ut pictura poesis : la formule d’Horace (« la poésie est comme la peinture ») a été paradoxalement inversée par les hommes de la Renaissance et de l’Âge classique. Pendant trois siècles, de Léonard à Reynolds, la peinture s’est flattée d’être « comme la poésie » : subordonnée à la littérature, dont elle a tiré ses sources d’inspiration et sa raison d’être.
Cette rencontre se défait au dix-huitième siècle : affirmation d’un réalisme qui entend puiser ses thèmes directement dans la nature ; théories du génie et du sublime qui autorisent les excès de l’expression individuelle ; travail des philosophes qui, tel Lessing (1766), veulent dégager la spécificité de chaque pratique artistique ; autonomie croissante des constituants picturaux : couleur, texture, surface, etc.
Le changement de paradigme qui s'opère au XVIIIe siècle dans les relations entre les arts, par la déconstruction de l'Ut pictura poesis, rend compte d'une séparation et d'une autonomisation des arts, le divorce étant prononcé entre la pictura et la poesis, entre le plastique et le verbal. Se trouvent alors radicalement remis en question les conditions mêmes de la mimésis ainsi que les critères de la fiction. Depuis l'hégémonie de l'imitation assurant la gémellité de la peinture et de la poésie jusqu'à une reconnaissance de l'irréductibilité de leurs modes d'expression propres se dessine un parcours historique et théorique tout au long des XVIIe et XVIIIe siècles. Or force est de constater que la question de la matière semble avoir partie liée dans ce divorce, matière déchirant le voile de la mimésis – lisibilité et visibilité – et modifiant par conséquent les processus de réception et d'élaboration de l'image textuelle et picturale pour lecteurs et spectateurs.
Formulant ainsi l'hypothèse d'un lien étroit entre ce surgissement du matériel et le délitement de l'Ut pictura poesis, les questions suivantes se dégagent : Comment les matériaux signifiants conditionnent-ils