Art poétique de boileau
Il n'est point de serpent ni de monstre odieux,Qui, par l'art imité, ne puisse plaire aux yeux :D'un pinceau délicat l'artifice agréableDu plus affreux objet fait un objet aimable.Ainsi, pour nous charmer, la Tragédie en pleursD'Œdipe tout sanglant fit parler les douleurs ,D'Oreste parricide exprima les alarmes ,Et, pour nous divertir, nous arracha des larmes,Vous donc, qui d'un beau feu pour le théâtre épris,Venez en vers pompeux y disputer le prix,Voulez-vous sur la scène étaler des ouvragesOù tout Paris en foule apporte ses suffrages,Et qui, toujours plus beaux, plus ils sont regardés,Soient au bout de vingt ans encor redemandés ?Que dans tous vos discours la passion émue Aille chercher le cœur, l'échauffe et le remue.Si d'un beau mouvement l'agréable fureurSouvent ne nous remplit d'une douce « terreur »,Ou n'excite en notre âme une « pitié » charmante,En vain vous étalez une scène savante :Vos froids raisonnements ne feront qu'attiédirUn spectateur toujours paresseux d'applaudir,Et qui, des vains efforts de votre rhétoriqueJustement fatigué, s'endort ou vous critique.Le secret est d'abord de plaire et de toucher :Inventez des ressorts qui puissent m'attacher.Que dès les premiers vers l'action préparéeSans peine du sujet aplanisse l'entrée.Je me ris d'un acteur qui, lent à s'exprimer,De ce qu'il veut, d'abord ne sait pas m'informer,Et qui, débrouillant mal une pénible intrigue,D'un divertissement me fait une fatigue.J'aimerais mieux encor qu'il déclinât son nom,Et dît : Je suis Oreste ou bien Agamemnon,Que d'aller, par un tas de confuses merveillesSans rien dire à l'esprit, étourdir les oreilles :Le sujet n'est jamais assez tôt expliqué .Que le lieu de la scène y soit fixe et marqué.Un rimeur, sans péril, delà les Pyrénées,Sur la scène en un jour renferme des années.Là souvent le héros d'un spectacle grossier,Enfant au premier acte, est barbon au dernier .Mais nous, que la raison à ses règles engage,Nous voulons qu'avec art l'action se