Artiste maudit
Avec cette cinquième partie, nous souhaitons présenter un type de travail de sociologie de l’art où l’auteur, Nathalie Heinich, étudie l’élaboration de l’archétype de l’artiste maudit en étudiant l’évolution de la célébration de Van Gogh dans La gloire de Van Gogh. Essai d’anthropologie de l’admiration.[1]
( Précisions historiques
Le peintre Vincent Van Gogh[2] décède en 1890. Dans le sens commun son nom est associé à l’expression ‘artiste maudit’ dans le sens où l’on déplore l’incompréhension de son œuvre de son vivant, on regrette l’indifférence à son sujet, d’autant plus flagrante en comparaison du succès ultérieur. Or, si nous considérons la fortune critique concernant les dix ans suivant sa mort, nous constatons que son œuvre n’est pas ignorée, et qu’elle est même célébrée.
Dans son essai Nathalie Heinich s’interroge sur ce décalage entre les faits historiques et les représentations du sens commun et détaille les étapes de l’élaboration de l’admiration vouée à l’artiste par le grand public.
( La Gloire de Van Gogh
( Introduction
Nous ne traiterons pas ici directement du sujet de l’admiration, mais plutôt des modifications du sens commun au fil du temps avec l’exemple de la folie les, puis nous verrons comment le récit biographie se calque sur l’hagiographie.
( La folie
Le sens commun évoque souvent la folie au sujet de Van Gogh, et aujourd’hui chaque biographie y consacre un chapitre. Mais, bien que des faits de cette nature aient une réalité historique, ils ne sont pas relatés de la même manière au fil de temps. Dans les années qui ont suivi la mort de l’artiste, cet épisode de sa vie n’apparaît que très peu. Ce n’est que plus tard qu’il va être d’abord relaté puis prendre une place centrale dans la biographie de l’artiste.
La place qui leur est accordée dans le récit de la biographie de Van Gogh dépend à la fois de la manière dont est considérée son œuvre et du public à qui