Dès le début de son texte « Malaise dans l'Esthétique », Jacques Rancière fait le constat d'une position étrangement douteuse qui règne au sein de la pensée esthétique moderne. Il remarque qu'il y a un conflit qui existe dans cette discipline philosophique, une problématique qui découle de la notion kantienne du «jugement désintéressé.» Rancière souligne que ce point de vue a mené à une dépréciation de la dimension sociale du sentiment esthétique, et il propose d'y porter un nouveau jugement afin de rétablir une certaine harmonie dans ce qu'il qualifie comme un « malaise esthétique. » À son tour, Rancière critique alors cette nouvelle position du discours esthétique en expliquant comment il nie en grande partie toutes réalités soit économique, politique ou idéologique qui conditionnent bien malgré eux la pensée esthétique moderne. La négation des enjeux sociaux à donc contribué à l'essor de ce discours plus froid, distancié et objectif qui vient lentement remplacer l'influence sensible qu'à l'expérience esthétique à notre égard. À ce stade, Rancière souhaite résoudre cette confusion sur l'esthétique en réconciliant les enjeux d'ordre social avec les différents affects sensibles qui constituent le sentiment esthétique. Il met de l'avant l'idée qu'il est tout à fait contre-productif de vouloir séparer l'expérience esthétique de son contexte social, car c'est justement de cette dichotomie que naît tout le potentiel artistique duquel émerge le sentiment du «Beau.» Rancière propose finalement sa thèse, celle qui veut davantage cultiver cette impression de confusion esthétique, à la place de souhaiter une sorte d'anesthésie de cette frénésie sociale, car elle est le lieu d'émergence de tout potentiel artistique et de ses modes d'expérience.

Rancière redéfinit l'esthétique autour de quatre points principaux. Il stipule tout d'abord l'interdépendance entre l'art en tant que grand mode d'expression humaine et les pratiques et conduites esthétiques de façon générale.