Au théâtre le rôle du metteur en scène peut-il être plus important que celui de l'auteur ?
Au XVIIe siècle, le « metteur en scène » n'existait pas, il n'y avait que « l'auteur » et Molière est passé à la postérité en tant que dramaturge, puisqu'il a laissé à la littérature nombre de ses plus grands textes. Cela ne l'a pourtant pas empêché d'être le directeur d'une petite troupe, « l'Illustre théâtre » et de mettre en scène ses propres pièces comme celles des auteurs de son temps. Cela dit assez bien que le théâtre, à la différence des autres genres littéraires, a une double composante : c'est un texte littéraire soit, mais qui a pour vocation la représentation sur scène. Le mot théâtre, d'ailleurs vient du grec théâtron, « lieu d'où l'on peut voir », du verbe théômaï qui signifie « regarder », ce qui souligne bien que c'est fondamentalement un art du spectacle. Or, depuis le XIXe siècle, le rôle du metteur en scène n'a cessé de prendre de l'importance au point qu'on en oublie parfois aujourd'hui l'auteur. Ne dit-on pas le Dom Juan de Bluwal, la Phèdre de Chéreau ou le Hamlet de Peter Brook ? Eugène Ionesco a d'ailleurs eu cette boutade restée célèbre, lors de sa lecture en public de Rhinocéros en 1959 : « Si j'étais vous je ne serais pas venu », comme si seule la mise en scène de sa pièce méritait le déplacement.
Faut-il donc abonder dans ce sens, privilégier la mise en scène, et penser comme d'aucuns aujourd'hui que le rôle du metteur en scène peut être plus important que celui de l'auteur ? Ou faut-il au contraire reconsidérer l'importance du texte ? Faut-il nécessairement établir une hiérarchie, voire une compétition entre metteur en scène et auteur ? Pour répondre à ces interrogations, nous tenterons tout d'abord de mettre en évidence la prééminence de l'auteur qui fournit la base du théâtre, le texte, puis nous verrons en quoi le rôle du metteur en scène est capital, sa contribution incontournable, enfin nous réfléchirons à leur nécessaire complémentarité.
I. Le rôle de l'auteur est fondamental
1. L'auteur, véritable démiurge,