Autorité
Quelle autorité pour quelle éducation ?
Philippe Meirieu Professeur des universités
Je suis très honoré d’être parmi vous aujourd’hui et d’y jouer le rôle du pédagogue. Ce n’est pas un rôle facile et c’est souvent une fonction décriée, mais j’entends l’assumer sereinement, en son sens étymologique : celui qui accompagne l’enfant. Qui l’accompagne sur le chemin de l’École, mais aussi sur le chemin de la vie. Qui n’approuve pas toujours ce que le monde impose à ses enfants, mais qui, pour autant, ne passe pas son temps à excommunier l’univers tout entier. Qui s’efforce d’être lucide, de ne pas prendre des vessies pour des lanternes… Mais qui sait qu’il ne suffit pas de décréter les choses pour qu’elles soient. Le pédagogue sait que, pour toutes choses, dans l’humain, il faut du temps et du travail. Pour accompagner les enfants aussi… La colère, l’incantation, le rappel à l’ordre ou au désordre ne suffisent jamais. Car l’éducation est affaire de besogneux… Rousseau plutôt que Voltaire, comme dirait Daniel Hameline à qui je ne peux pas ne pas rendre hommage dans cette ville qui, pourtant, pour autant que je sache, a commencé à délaisser Rousseau pour se convertir à Voltaire. Afin de nous aider à réfléchir sur la question infiniment rebattue de « la crise de l’autorité », je souhaite soutenir, au cours de cette conférence, une thèse iconoclaste, très largement en contradiction avec le discours dominant, voire la « pensée unique », mais que je crois intéressant d’explorer : les enfants et les adolescents ne refusent pas aujourd’hui l’autorité, bien au contraire… Ils s’assujettissent volontairement à des formes d’autorité bien plus dures que celles qu’ils récusent par ailleurs. La modernité ne se caractérise pas par une « crise de l’autorité, mais par un montée extraordinaire des phénomènes d’emprise. Dans ces conditions, il ne peut être question de « restaurer l’autorité », mais, bien au contraire, d’aider les