Autorégulation ou déontologie
Benoît Grevisse1
Les journalistes sont-ils capables de s’autoréguler ? La question fait l’objet de multiples débats, sondages et écrits. Elle se radicalise par l’évaluation des systèmes déontologiques et le constat de leurs évidentes limites. Chez les professionnels, elle provoque la revendication légitime d’une lucidité d’analyse, la mise en exergue des réels progrès accomplis et, bien souvent, la disqualification rédhibitoire des jugements extra-corporatistes au motif d’une méconnaissance des conditions de production. Une telle posture protectionniste trouve sans doute sa forme la plus radicale dans la dénégation de la compétence du monde juridique à réguler les pratiques journalistiques. Cette
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Chargé de recherche à l’Observatoire du Récit médiatique, chargé de cours invité au Département de communication, Université catholique de Louvain.
Recherches en communication, n° 9, (1998).
BENOIT GREVISSE
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opposition puise fréquemment ses meilleurs arguments dans les comportements interventionnistes et pas toujours cohérents de la justice, tout comme dans une certaine naïveté d’analyse de la réalité médiatique. Cet affrontement de l’autorégulation et de l’hétérorégulation, loin de faire progresser le débat sur le terrain de la communication publique, l’enferme dans des représentations corporatistes et individualistes. Il est de multiples entrées pour interroger la déontologie journalistique et son efficience au regard de la responsabilité sociale des médias. En un moment qui semble, de ce point de vue, particulièrement crucial on constate en effet un grand éparpillement des approches de la déontologie. Il semble donc nécessaire d’interroger aujourd’hui ce champ de la communication dans sa foisonnante complexité, en tenant compte des critiques qui en sont faites, mais en parfaite connaissance de la sphère journalistique elle-même. Ce dossier