Autrui est-il un autre moi-même ?
Autrui n'est pas absolument différent de moi. S'il l'était, je n'aurais aucun rapport à lui. Mais il ne m'est pas pour autant identique : il doit être autre que moi. Entre l'identité et la différence, faut-il donc dire qu'autrui est un autre moi-même ? La question porte sur la nature des rapports humains en général. Savoir ce que sont les autres pour moi permet de comprendre ce qui nous lie et de se conduire comme il faut. On doit d'abord voir en l'autre le semblable, à la fois identique et différent, avec lequel il est toujours possible de communiquer et de vivre en société : c'est l'ami, le voisin, le concitoyen, c'est-à-dire l'autre moi, autre que moi, dont la différence apparente n'est qu'accidentelle parce qu'elle renvoie à une même identité plus profonde et essentielle. Mais on peut aussi voir en l'autre un être chez qui cette différence n'est pas qu'apparente, mais irréductible et réelle, parce qu'elle ne renvoie qu'à elle-même et non à une identité ou une essence commune de l'humanité. C'est ainsi que le barbare, l'autiste et le fou sont des hommes semblables à nous, bien que l'on ne puisse généralement vivre et communiquer avec eux comme avec les autres. Qui donc est l'autre pour moi : est-ce mon prochain, un être autre comme moi, avec lequel je puis cependant m'unir parce qu'il n'existe entre nous qu'une différence superficielle et contingente ? Ou est-ce un être lointain, sans moi, avec lequel je ne puis partager que la différence et non l'identité parce qu'elle seule est réelle ? Cette réflexion théorique sur notre rapport à autrui s'avère ainsi avoir une dimension ontologique et une signification pratique. Il s'agit de séparer l'être du paraître, pour savoir ce qui est vraiment, entre l'identité et la différence. Mais l'enjeu, moral et politique, est de comprendre ce que c'est qu'être humain, pour parvenir à vivre ensemble. Faut-il en effet qu'autrui me ressemble pour que je voie en lui un homme ? Y a-t-il un modèle d'humanité ? Comment