Autruit
Note introductive: Nous serons menés ici à voir que la conception cartésienne de la conscience comme pure intériorité, comme "citadelle intérieure", est de nouveau à dépasser.
"Autrui" est un terme abstrait, qui est dérivé du terme latin "alter" (autre, étranger, différent). Autrui, pour parler généralement, c'est cet autre ou ces autres avec qui je vis, que je rencontre, etc.
Les questions que se posent les philosophes à son sujet sont 1) épistémologiques et 2) ontologiques, i.e. :
1) peut-on connaître autrui? Le connaît-on immédiatement ou médiatement?
2) qu'est autrui, comment le penser?
Nous verrons que c'est la réponse à 2) qui déterminera la réponse à 1). Qu'est donc autrui? Comment le penser? Dire que la réponse à cette question ne va pas de soi, c'est déjà rendre compte de la généralité de notre esquisse de définition d'autrui ("l'autre ou cet autre avec qui je vis").
En effet, répondra-t-on qu'autrui, c'est un autre sujet, un autre moi, une autre conscience? Mais cette réponse suppose déjà toute une conception philosophique de l'homme, celle, en l'occurrence, que l'on trouve à partir de Descartes. Pour lui, nous sommes des sujets, des consciences, qui ne connaissons le monde qu'à partir de nous-mêmes, de notre point de vue "subjectif", et qui par suite se suffisent entièrement à eux-mêmes. Conséquence : autrui est, on le verra, un problème, à la fois au sens 1) et au sens 2).
Répondra-t-on alors à ce point de vue cartésien qu'autrui, c'est un autre "homme", tout simplement? Que c'est mon semblable, mon frère, mon prochain ? Et que, par conséquent, autrui ne fait pas problème, ni ontologiquement, ni épsitémologiquement?
Mais ce n'est en fait pas plus simple : d'abord, en effet, nous verrons que l'idée de genre humain est lourde de sous-entendus; ensuite, on se demandera si le fait de dire qu'autrui, c'est et ce n'est que mon semblable, ne revient pas en fait à méconnaître autrui, à la fois au sens où je ne le