Aux origines du coran
La profession de foi selon le Coran
Michel Cuypers
Il n'est pas toujours aisé de dissocier la lettre des Ecritures, et pour ce qui nous concerne ici, celle du Coran, des développements théologiques et juridiques qui se sont greffés ultérieurement sur elle. L'idée de témoignage en islam évoque en effet immédiatement la shahâda, la profession ou (littéralement) le « témoignage » de foi par lequel on devient musulman, et que tout musulman répète à longueur de vie, au point de caractériser son identité même : « Point de dieu si ce n'est Dieu et Muhammad est l'Envoyé de Dieu ». Or, cette profession-témoignage de foi ne figure pas sous cette forme condensée dans le Coran, bien que tous les éléments qui la composent s'y retrouvent, mais disséminés à travers le texte. Celui qui se convertit à l'islam doit la prononcer devant témoins, si possible devant un juge musulman, le qâdhî, en explicitant par deux fois : « Je témoigne que : point de dieu si ce n'est Dieu ; et je témoigne que : Muhammad est l'Envoyé de Dieu ». Ainsi prononcée dans un cadre juridique, cette profession de foi réunit les deux domaines ou champs sémantiques dans lesquels se rencontrent, dans le Coran, le verbe témoigner (shahâda), avec ses dérivés (témoignage, shahâda ; témoin, shâhid ; témoin-martyr shahîd) : le domaine juridique et celuide la foi.
Appliqué au domaine juridique, le verbe « témoigner », avec son corollaire « témoin » (shâhid), concerne essentiellement la question du nombre et de la qualité du ou des témoins requis dans certaines situations, et les modalités du témoignage : deux hommes, ou à défaut un homme et deux femmes sont requis comme témoins d'une créance [2, 282] ; quatre témoins pour un adultère [4, 15] ; un groupe de croyants doit assister à l'exécution du châtiment du fornicateur [24, 2] ; en matière de succession, diverses formes detémoignage