Avoir un ideal est-il raisonnable
Son premier souci est de définir l’idéalisme. Cette démarche se distingue des valeurs qui sont héritées et souvent marquées par la pluralité. L’idéal, lui, relève d’un choix et est assorti d’une clause d’exclusivité (au même titre qu’une passion amoureuse peut difficilement se porter sur deux êtres à la fois). Avoir un idéal ce n’est pas non plus idéaliser.
La première démarche consiste à privilégier une vision abstraite, tout en discréditant le réel et délégitimant l’existant, alors que la seconde cherche à changer le concret en l’embellissant et le transformant en artefact. « Est idéaliste toute personne qui oppose au monde existant l’image anticipée d’un monde meilleur et qui juge réalisable ce projet d’amélioration ». Se pose très vite la question de l’écart entre le monde sensible et celui tant espéré, dualisme qu’on ne peut qu’essayer de réduire, en rapprochant, au besoin par la contrainte et la violence, le pôle du réel avec celui auquel on aspire tant. Les idéaux sont d’abord collectifs : modifier le vivre ensemble pour atteindre plus de bien être. Mais ils sont tout autant individuels : volonté d’une vie plus intense et plus riche, plus créative et plus épanouissante.
Pendant longtemps, ce qui l’emporta, ce fut la quête religieuse de la piété, la chasteté et la charité. Il y a d’ailleurs une grande proximité entre cette foi et l’espoir idéaliste : même souci de prosélytisme, même pari sur un changement de l’homme, même conviction de grandir l’individu… Mais la volonté de perfection était