En voyant les morceaux du plat en faïence, les parents furent si en colère qu’ils se mirent à sauter comme des puces au travers de la cuisine. - Malheureuses!, criaient-ils, un plat qui était dans la famille depuis cent ans! Et vous l’avez mis en morceaux! Vous n’en ferez jamais d’autres, deux monstres que vous êtes. Mais vous serez punies. Défense de jouer et au pain sec! Jugeant la punition trop douce, les parents s’accordèrent un temps de réflexion et reprirent, en regardant les petites avec des sourires cruels: - Non, pas de pain sec. Mais demain, s’il ne pleut pas... demain... ha! ha! ha! demain, vous irez voir la tante Mélina! Delphine et Marinette étaient devenues très pâles et joignaient les mains avec des yeux suppliants. - Pas de prière qui tienne! S’il ne pleut pas, vous irez chez la tante Mélina lui porter un pot de confiture. La tante Mélina était une très vieille et très méchante femme, qui avait une bouche sans dents et un menton plein de barbe. Quand les petites allaient la voir dans son village, elle ne se lassait pas de les embrasser, ce qui n’était déjà pas très agréable, à cause de la barbe, et elle en profitait pour les pincer et leur tirer les cheveux. Son plaisir était de les obliger à manger d’un pain et d’un fromage qu’elle avait mis à moisir en prévision de leur visite. En outre, la tante Mélina trouvait que ses deux petites nièces lui ressemblaient beaucoup et affirmait qu’avant la fin de l’année elles seraient devenues ses deux fidèles portraits, ce qui était effrayant à penser.